Raymond Boudon

Au travers de nombreux exemples, Raymond Boudon s'est attaché à montrer que chaque comportement individuel entraîne une succession de phénomènes aux conséquences plus larges. Contre le déterminisme qui suppose que les sujets se soumettent à des contraintes externes expliquant les causes de phénomènes globaux, Boudon refuse toute analyse globalisante. Il se focalise donc sur l'individu.

L'individualisme méthodologique

Notion utilisée au départ dans L'inégalité des chances (1973), ce concept repose sur plusieurs principes.

Boudon part d'abord du concept de l'individu rationnel, qui agit donc selon sa raison, par le biais de ses intentions ; il cherche donc à étudier le raisonnement individuel, lui-même pris dans son contexte pour comprendre les motivations propres de l'individu. Selon lui, l'individu adopterait des comportements rationnels à partir du moment où il deviendrait un « acteur social » ; en effet, cet environnement influence ses actes, et ses motivations, qui varient selon le cadre de l'action, et conditionne ses choix. Pourtant, les choix ne sont jamais totalement déterminés par l'environnement ; le sujet conserve toujours une marge de manoeuvre lui permettant d'effectuer des choix personnels. Les structures n'entravent donc pas les actions individuelles, ni ne les guident complètement.

Dans La logique du social (1979), il reprend sa théorie majeure et montre cette fois que même si les phénomènes sociaux résultent d'intérêts liés à des croyances et des actions, la valeur et la morale y jouent également un rôle important. Cette théorie qui place l'individu au centre de l'étude permet par la suite de cerner les relations sociales dans leur ensemble.

L'intérêt qu'il porte aux mathématiques amène Bourdon à utiliser la discipline en sociologie. Ainsi il schématise l'individualisme méthodologique par la formule :

M = M [m(P)]

  • M constitue le phénomène pris dans sa totalité
  • M représente les comportements individuels
  • P correspond aux intentions individuelles qui résultent de l'ensemble social

Raymond Boudon, a généralisé le modèle à différentes analyses, comme il l'a fait dans l'étude relative à l'inégalité des chances.

Effets d'agrégation des phénomènes sociaux

Les phénomènes sociaux résultant d'une multitude de faits individuels, Boudon qui avait préalablement étudié l'individu et ses actions afin d'analyser la finalité de ces actes individuels.

Les actes individuels résultent de causes, qui résultent elles-mêmes d'autres causes, etc. Cela constitue les « systèmes d'action », que Boudon nomme également « effet émergeant ». Il s'agit de la somme des actions individuelles, qui par agrégation, deviennent ces effets émergents. Pour expliquer cette théorie, on prend généralement l'exemple de l'embouteillage : l'accumulation d'actions individuelles forme ensemble un phénomène social de grande ampleur. L'agrégation peut amener à des effets d'amplification ; la crise de 1929 est issu de la crainte individuelle, qui a entraîné en se cumulant des effets considérables « pervers ». L'agrégation peut également engendrer la neutralisation.

Boudon démontre aussi que les stratégies individuelles diffèrent en fonction des positions sociales. Les stratégies rèvelement donc les inégalités sociales car elles dépendent d'une situation S, fonction elle-même de données macro sociales M. Les actions rationnelles sont donc fonction du système social, et conduisent à des stratégies individuelles variées.

Le système dans sa globalité amène à tenir compte des interactions qui liens les individus, et limitent leurs actions ; c'est ce que Boudon appelle la rationalité limitée. La limitation des libertés résulte de différents éléments structurels contraignants (concept différent du holisme qui étudie seulement les structures, sans analyser les motivations). Les actions ne sont donc pas entièrement déterminées par la seule rationalité de leur auteur ; les relations entraînent nécessairement des actions non souhaitées. Ces effets d'agrégation « pervers » montrent que l'objectif souhaité n'est pas forcément atteint et que le résultat est issu d'effets émergents. R. Boudon donne l'exemple des diplômes pour expliquer sa théorie : si l'individu, dans ses actions rationnelles, décide d'obtenir le meilleur diplôme, et que tout le monde va dans cette direction, cela amènera à un effet pervers car cette stratégie conduira à l'égalisation des compétences.

Ainsi, les phénomènes micro entraînent des conséquences macrosociologiques de diverses manières. En somme, Boudon n'étudie pas l'individualisme selon sa stricte définition, mais seulement les actions qui comportent un sens pour l'acteur social. Cette vision des choses a fait l'objet de critiques car on lui reproche d'analyser des êtres abstraits pour créer des modèles.